9.01.2008

Embryonic Journey.


Ce que je vois des Etats-Unis d'Amérique me laisse perplexe. Et ce que je découvre sur moi aussi, sur mon rapport à Paris, aux autres. Tentez l'expérience : choisissez un endroit nouveau, dont vous ne connaissez quasiment rien, trouvez un chambre, payez votre premier mois de loyer et vivez. Vous avez le droit à 46 kilos de routine, le reste, vous le fabriquez sur place.

Souvent, on se demande, enfin je, comment on réagirait dans des situations extrêmes, si on sauterait sur les voies devant un TGV pour sauver une vie. Je ne qualifierais pas ma situation d'extrême mais elle reste complètement étrange et neuve, tellement il s'agit à chaque instant de recréer un environnement vital. Un espace à l'intérieur duquel on parvient à exister. Trouver des repères, se recréer une image, une garde-robe. Convertir ses goûts et ses idées à la sauce américaine, sans en perdre la contenance. Et puis en anglais toujours. C'est tout un système de pensée qui passe d'une langue à l'autre, tout un mode de vie. Mes petites blagues littéraires, mes dictons éculés, mon côté beau-parleur-intellectuel-raté-mais-qui-s'obstine, pfiouut, plus rien.

C'est étrange mais oui, je ne suis plus le même ici. Les gens ne me voient plus à travers le prisme LLG/Sciences Po déjà et c'est absolument libérateur. Personne n'a jamais entendu parler de Richard Descoings ni de Normale Sup. Ici, les gens me reconnaissent pour mon prénom français, celui de Jean Claude Van Damme, pour mes cigarettes et mes chemises blanches. Ce qui était complètement anodin en France prend soudain un relief inattendu. C'est ce que j'entendais par me "recréer une image", ce n'était pas à prendre négativement mais au contraire cette image que les gens renvoient et qui leur est vitale, j'ai l'occasion de la recréer ici, mais plus fidèle, moins éloignée de moi, de l'original. Je ne suis attaché à rien, je suis une page blanche, une étendue vierge sur laquelle je dessine ce que je veux.

C'est une chance fantastique quand on y pense. Finis les poids du passé, les erreurs, les regrets, plus personne n'est là pour me rappeler mon échec prépa, ma vie erratique, et les kilos que j'ai perdu. Alors bien sûr, on conserve certaines choses qui sont essentielles dans cette image, des choses qui nous ont fait tels que nous sommes. Mais ces choses sont à notre appréciation. Le risque est de refaire l'histoire, of course. De se faire une personne aux milles conquêtes et à l'expérience fournie. On peut violer l'histoire, pourvu qu'on lui fasse de beaux enfants, dirait l'autre. Mais non, même pas. Je me suis aperçu que je n'avais presque pas besoin de mentir, que je m'aimais comme j'étais finalement, avec mes erreurs, mes expériences et mes goûts. Pas si évident quand on y pense. Absolument face à soi-même, s'accepter. Enfin s'accepter est bien beau mais il s'agit aussi d'évoluer, de se transformer, de s'adapter et de se regarder prendre une nouvelle teinte.

Alors, le nouveau Jean, me direz-vous. Le nouveau Jean a un rapport difficile avec l'autre sexe. Parfois il traverse l'Amérique jusqu'à Atlanta, parfois il est juste un peu embrumé. Le nouveau Jean fume et boit beaucoup. Le nouveau Jean aime beaucoup l'Europe, aime voyager et la plupart du temps, il vient de Paris. Parfois quand même, il a passé son enfance à Lille mais c'est rare. Le nouveau Jean étudie les Sciences Politiques, c'est son "major". Au début, le nouveau Jean expliquait qu'il n'avait pas encore de "major" et qu'il faisait un peu ce qu'il voulait mais une fois qu'il s'est rendu compte que crier Political Science était beaucoup plus efficace que de tout expliquer quand il parlait à un garçon un peu bourré dans un bar à 110 decibels, il a opté pour les Sciences Politiques. Le nouveau Jean est élégant, comme tous les français n'est-ce pas. Il ne porte d'habits de sport que quand il va au GYM. Car le nouveau Jean est assez sportif même si dans un passé assez proche, il détestait ça. Le nouveau Jean nage, joue au foot, porte des Tee Shirts et est préoccupé par son apparence physique, juste ce qu'il faut. Le nouveau Jean mange beaucoup de pizza mais il sait quand même cuisiner, comme tous les français, parce qu'en France, tout le monde mange très bien. Des escargots, même, s'est-il laissé dire. Le nouveau Jean ne comprend pas tout ce qu'on lui dit mais il est sympa, il est toujours partant pour sortir et n'est pas chiant. Bon, quand il faut lui acheter de l'alcool, c'est pas toujours pratique, mais on lui doit bien ça.

Et surtout, le nouveau Jean est heureux, mais ça, ça ne change pas vraiment. Ce qui change, c'est qu'il est heureux mais qu'il a l'impression qu'une part de lui est restée en France. Il est aux trois-quarts heureux, voire un peu plus parfois mais jamais complètement, en tout cas pas quand il est sobre. Pensez-vous que le temps ne fasse rien à l'affaire ?

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Three things to say :
1) Oh, the good old times...

2) I decided to claim I definitely like the Henry James' chichis we talked about. They are sublte and true, and they speak for myself too, so...

3) I just noticed how much I love the Ian Curtis picture+I'm glad I'm the first one to post something here. Just like good old times.

Anonyme a dit…

4) Your last question works for me, but I cannot answer it, who do you think I am ?

Anonyme a dit…

Ca va suffire ces commentaires en anglais? On dirait Stickmou...

"la contenance. Et puis en anglais toujours. C'est tout un système de pensée qui passe d'une langue à l'autre, tout un mode de vie. Mes petites blagues littéraires, mes dictons éculés, mon côté beau-parleur-intellectuel-raté-mais-qui-s'obstine, pfiouut, plus rien."
=> Je suis absolument d'accord et c'est excessivement chiant.

"Ce qui était complètement anodin en France prend soudain un relief inattendu." => Pareillement. Lorsque je dis à une fille que je suis Français, elle a instantanément envie de me sauter.

Je t'embrasse, connard.

PS: tu fais chier avec Obama.

Anonyme a dit…

Oooh Aristide est tout attendri/attendrissant ! Il dit même "je t'embrasse".

En un commun accord, je m'affirme d'accord avec vous deux ainsi qu'avec la remarque sur Obama. Et j'ajouterais seulement que même en France, d'après toi, tout le monde avait instantanément envie de te sauter.

Je vous embrasse, et vous me manquez.

Je dirais même qu'une des choses qui étaient anodines en France et qui ne le sont plus est : nous trois et nos errements du soir. J'en ressens mieux "le relief inattendu", maintenant.

Anonyme a dit…

Je suis attendri, moi?! Mange donc ton visage, pour changer. Connasse.

"Et j'ajouterais seulement que même en France, d'après toi, tout le monde avait instantanément envie de te sauter." => tu es dans le vrai. La différence est qu'ici les filles me violent dans la rue.

PS: J'ai rencontré une américaine de 26 ans et je crois que je vais tomber amoureux.

Jean a dit…

Je vous aime tous les deux. Ne tombe plus amoureux Thomas, tu sais comment ça finit. Bride-toi, que diable !

Merci de donner un embryon de vie à mon blog.

Anonyme a dit…

Trop tard. Je crois. Faudra que je t'en parle via msn. Par exemple.

Je me sens pas bien.

Anonyme a dit…

Impossible de vivre même aux trois quart heureux dès qu'on tente d'être lucide.
Peut-être que le bonheur n'existe pas, peut-être aussi que c'est juste le recul qui fait ça.
Bien aimé ton article.

Anonyme a dit…

Hahaha.

Jean a dit…

Merci Aristide, ça manquait.

Anonyme a dit…

Salut Jean!
J'espère que ton voyage aux USA se passe bien! Je viens de montrer à des copains des photos de moi quand j'étais plus jeune! Et pour leur montrer que j'étais un vrai écorché vif rock star, j'ai relu l'article sur le oncert que l'on a fait dans mon garage... Souvenir souvenir!! Tout bien refléchi je crois que l'on ne se reverra pas avant fin décembre 2009 ou début janvier 2010 en y mettant de la bonne volonté! Une date pour un come back des Gino Ma Kasser??!!

Julien