10.23.2008


On m'a proposé d'écrire sur l'Amérique plutôt que de me perdre dans des considérations auto-centrées. Je ne sais pas si j'y trouverai assez d'excitation pour le faire longtemps mais je veux bien essayer. Avant cela, vous devez savoir quelque chose : je suis malade. C'est mon troisième rhume en deux mois, et encore on est à peine en automne. Donc m'en voulez pas si j'écris patraque.


Le plus dur, en écrivant sur mon campus, c'est de ne pas tomber dans les ornières. En réalité, je suis moi-même confronté à cette difficulté dans mes choix de vie. J'ai le choix de me laisser aller à l'Amérique de surface, et le choix d'y pénétrer, de me confronter. Mais je commence déjà à digresser.


Je vais vous parler de mon cours d'allemand de ce matin, tiens. Aujourd'hui, c'était Civilisation. La classe a donc consacré 45 minutes à passer en revue les différents droits qu'acquièrent les allemands au fur et à mesure qu'ils grandissent. A 13 ans, ils peuvent travailler, à 16, ils peuvent boire, à 18, ils peuvent voter et conduire. Plus proche du système allemand que du système américain, je me suis forcément placé en retrait et j'ai observé les réactions de mes camarades. 


Le plus intéressant était sûrement le débat qui s'est installé entre américains sur l'efficacité de leur propre système. La plupart seraient favorables à une autorisation de boire dès 18 ans, et la considèreraient même comme une avancée sociale. Il est vrai que dans cette Amérique de paradoxes, le premier est sûrement celui de l'alcool. Rappel : dans toutes les grandes villes et en général, on ne peut entrer dans un bar qu'à 21 ans, de même qu'on ne peut acheter et consommer de l'alcool qu'après 21 ans. Les bars de mon campus, et sûrement d'autres, acceptent les étudiants à 19 ans, mais ces derniers ne peuvent pas boire. Ce qui se passe, c'est que la plupart des jeunes américains fraudent dès la fin du collège en se procurant de l'alcool par des biais détournés ou en se procurant une fausse identité. Le culte de l'interdit qui entoure l'alcool agit comme un puissant excitant sur les esprits et c'est avec une vigueur renouvelée qu'ils vont se jeter sur l'alcool comme les juifs échappés d'Egypte sur la manne sacrée une fois qu'ils atteignent l'âge fatidique. Car, oui, on ne boit qu'à 21 ans mais une fois passé le cap, vous avez de quoi vous faire plaisir. J'ai recensé sur le campus dans un rayon de 15 minutes à pied pas moins de 6 magasins uniquement dédiés à l'alcool. Vastes surfaces à la gloire du pack de 40 ou de la vodka moitié prix. Quelques vins, et liqueurs mais surtout bières légères imbuvables et alcools forts bons marchés. 


Il n'existe pas à proprement parler de culture de l'alcool. Il s'agit de boire pour s'enivrer, et tout le monde le revendique haut et fort. Je ne peux pas m'empêcher d'associer cette ivresse irréfléchie à la privation que les étudiants ont subie auparavant. Comme un inassouvible besoin de rattraper le temps perdu et une incapacité à se contrôler, n'ayant jamais réellement appris de leurs erreurs, comme ont l'occasion de le faire les jeunes français qui vident une bouteille de vodka a 15 ans et ne le refont plus jamais. Les étudiants américains dépensent chaque année 5,5 millions de dollars dans l'alcool, ce qui représente davantage que leurs dépenses pour les soft drinks, le thé, le lait, le café, les jus de fruits et les livres rassemblées. Et je ne veux pas dédouaner l'Europe de ses problèmes liés à l'alcoolisme mais le phénomène national des Alcooliques Anonymes est un signe qui ne trompe pas.


Toujours est-il que les élèves avec moi en allemand avaient bien conscience de ce paradoxe américain qui délivre le permis de conduire à 16 ans mais une bière à 21. Le permis à 16 ans, ils y tiennent, par contre. Ils ne pourraient pas vivre sans, tout simplement. Les transports publics sont bien moins développés et la plupart expliquaient que dans leur ville natale, les seuls bus étaient les bus scolaires. Pour toutes leurs activités extra-scolaires, la voiture devient indispensable. 


Ils ont montré une certaine incrédulité devant l'absence de limitations de vitesse sur certaines autoroutes allemandes. Je me souviens aussi d'une question inattendue mais intéressante d'un des élèves : et c'est à 18 ans qu'ils ont le droit d'acheter des armes ? Comme s'il était évident que le port d'arme autorisé était universel. C'est choquant un peu aussi, c'est vrai. J'ai expliqué, en ma qualité d'européen, que les seules armes autorisées étaient destinées à la chasse et qu'en obtenir n'était pas une mince affaire. Il a eu l'air étonné mais n'a pas cherché plus loin. 


Les américains en général font preuve d'une certaine curiosité pour la France, Paris, en général. La moitié d'entre eux environ a déjà passé un jour ou deux à Paris dans le cadre d'un voyage organisé ou d'un séjour d'études en Europe. Ils me demandent où j'habite dans Paris alors je leur dis près de la tour Eiffel et ils reconnaissent et sont heureux. Et même si j'habite plutôt dans le 6ème, ça me fait plaisir de voir leurs yeux s'illuminer quand je cite la tour Eiffel.  


J'ai rencontré un américain qui m'expliquait qu'il aimait Paris parce qu'il pouvait s'asseoir dans un bar et aussitôt des français viendraient engager la conversation alors qu'ici ça n'arriverait jamais. Je lui ai expliqué que j'avais exactement la même sensation mais dans le sens inverse. Je pense que c'est ça, l'étranger, en fait. Peut importe où l'on est, à Champaign ou à Paris, juste s'asseoir dans un bar et rencontrer des inconnus. Et qu'il y ait de l'alcool ou pas, c'est toujours un peu magique.

9.01.2008

Embryonic Journey.


Ce que je vois des Etats-Unis d'Amérique me laisse perplexe. Et ce que je découvre sur moi aussi, sur mon rapport à Paris, aux autres. Tentez l'expérience : choisissez un endroit nouveau, dont vous ne connaissez quasiment rien, trouvez un chambre, payez votre premier mois de loyer et vivez. Vous avez le droit à 46 kilos de routine, le reste, vous le fabriquez sur place.

Souvent, on se demande, enfin je, comment on réagirait dans des situations extrêmes, si on sauterait sur les voies devant un TGV pour sauver une vie. Je ne qualifierais pas ma situation d'extrême mais elle reste complètement étrange et neuve, tellement il s'agit à chaque instant de recréer un environnement vital. Un espace à l'intérieur duquel on parvient à exister. Trouver des repères, se recréer une image, une garde-robe. Convertir ses goûts et ses idées à la sauce américaine, sans en perdre la contenance. Et puis en anglais toujours. C'est tout un système de pensée qui passe d'une langue à l'autre, tout un mode de vie. Mes petites blagues littéraires, mes dictons éculés, mon côté beau-parleur-intellectuel-raté-mais-qui-s'obstine, pfiouut, plus rien.

C'est étrange mais oui, je ne suis plus le même ici. Les gens ne me voient plus à travers le prisme LLG/Sciences Po déjà et c'est absolument libérateur. Personne n'a jamais entendu parler de Richard Descoings ni de Normale Sup. Ici, les gens me reconnaissent pour mon prénom français, celui de Jean Claude Van Damme, pour mes cigarettes et mes chemises blanches. Ce qui était complètement anodin en France prend soudain un relief inattendu. C'est ce que j'entendais par me "recréer une image", ce n'était pas à prendre négativement mais au contraire cette image que les gens renvoient et qui leur est vitale, j'ai l'occasion de la recréer ici, mais plus fidèle, moins éloignée de moi, de l'original. Je ne suis attaché à rien, je suis une page blanche, une étendue vierge sur laquelle je dessine ce que je veux.

C'est une chance fantastique quand on y pense. Finis les poids du passé, les erreurs, les regrets, plus personne n'est là pour me rappeler mon échec prépa, ma vie erratique, et les kilos que j'ai perdu. Alors bien sûr, on conserve certaines choses qui sont essentielles dans cette image, des choses qui nous ont fait tels que nous sommes. Mais ces choses sont à notre appréciation. Le risque est de refaire l'histoire, of course. De se faire une personne aux milles conquêtes et à l'expérience fournie. On peut violer l'histoire, pourvu qu'on lui fasse de beaux enfants, dirait l'autre. Mais non, même pas. Je me suis aperçu que je n'avais presque pas besoin de mentir, que je m'aimais comme j'étais finalement, avec mes erreurs, mes expériences et mes goûts. Pas si évident quand on y pense. Absolument face à soi-même, s'accepter. Enfin s'accepter est bien beau mais il s'agit aussi d'évoluer, de se transformer, de s'adapter et de se regarder prendre une nouvelle teinte.

Alors, le nouveau Jean, me direz-vous. Le nouveau Jean a un rapport difficile avec l'autre sexe. Parfois il traverse l'Amérique jusqu'à Atlanta, parfois il est juste un peu embrumé. Le nouveau Jean fume et boit beaucoup. Le nouveau Jean aime beaucoup l'Europe, aime voyager et la plupart du temps, il vient de Paris. Parfois quand même, il a passé son enfance à Lille mais c'est rare. Le nouveau Jean étudie les Sciences Politiques, c'est son "major". Au début, le nouveau Jean expliquait qu'il n'avait pas encore de "major" et qu'il faisait un peu ce qu'il voulait mais une fois qu'il s'est rendu compte que crier Political Science était beaucoup plus efficace que de tout expliquer quand il parlait à un garçon un peu bourré dans un bar à 110 decibels, il a opté pour les Sciences Politiques. Le nouveau Jean est élégant, comme tous les français n'est-ce pas. Il ne porte d'habits de sport que quand il va au GYM. Car le nouveau Jean est assez sportif même si dans un passé assez proche, il détestait ça. Le nouveau Jean nage, joue au foot, porte des Tee Shirts et est préoccupé par son apparence physique, juste ce qu'il faut. Le nouveau Jean mange beaucoup de pizza mais il sait quand même cuisiner, comme tous les français, parce qu'en France, tout le monde mange très bien. Des escargots, même, s'est-il laissé dire. Le nouveau Jean ne comprend pas tout ce qu'on lui dit mais il est sympa, il est toujours partant pour sortir et n'est pas chiant. Bon, quand il faut lui acheter de l'alcool, c'est pas toujours pratique, mais on lui doit bien ça.

Et surtout, le nouveau Jean est heureux, mais ça, ça ne change pas vraiment. Ce qui change, c'est qu'il est heureux mais qu'il a l'impression qu'une part de lui est restée en France. Il est aux trois-quarts heureux, voire un peu plus parfois mais jamais complètement, en tout cas pas quand il est sobre. Pensez-vous que le temps ne fasse rien à l'affaire ?

5.18.2008

Firefox 3.


J'écoute les cris de baleine bizarres qui sont au début de l'album de CocoRosie et je m'attache tant bien que mal à une tentative d'écriture. Cet article est marqué du seau de la contrainte. Ou, en des termes plus clairs, je dois l'écrire obligatoirement ce soir, et je ne dois pas me lamenter sur mes problèmes d'écriture. C'est comme un exercice, un peu. Je vais le voir comme ça, ça va m'aider, j'aime bien les exercices faciles moi. On te dit un truc, tu le fais. Aussi simple que ça, et c'est très reposant.

Je regarde vite fait le truc japonais/chinois sur W9. Les candidats doivent se jeter de toutes leurs forces sur des portes, certaines s'ouvrent, d'autres non. La première fois que j'avais regardé, je me demandais pourquoi ils se jetaient sur des portes fermées, j'ai compris juste après que certaines pouvaient s'ouvrir. J'aime bien regarder ça, c'est amusant, si on se laisse aller. J'irais presque jusqu'à le recommder à certains, qui ont des problèmes de laisser aller. Ils ont jamais appris. Ca leur viendra.

Ma vie, sinon. Un enchevêtrement de joies et d'ennuis. De joies teintées d'ennui, parfois. Quand je dis ennui, je pense boring, pas genre problèmes. On n'a jamais vraiment de problèmes, tout dépend du point de vue duquel on se place. Bref, j'ai pas à me plaindre, pas vraiment. Les Etats-Unis se rapprochent, se font plus concrets, même s'ils relèvent toujours du domaine du rêve. Je ne sais pas, j'ai certaines peur qui se précisent. Ne pas trouver d'amis, de vrais, je veux dire. Ou pire : avoir l'impression d'être en trop dans un groupe déjà formé, l'impression d'être une pièce jointe, comme dirait l'autre. J'imagine que j'ai toujours la bizarre impression d'être moins bien que les gens avec qui je passe du temps. Je pourrais même pas dire que j'ai pas confiance en moi, je dirais plutôt que l'image objective que je veux bien avoir de moi ne match pas avec l'image objective que j'ai d'eux. C'est une espèce de tension permanente entre ces deux images, la mienne, la leur, qui acceptent des concessions, chutent, se relèvent, prennent confiance, pour mieux rechuter ensuite. Je me veux objectif toujours, et c'est tuant. Pour régler ça, il faudrait que j'accepte de pouvoir me tromper, non, l'image que j'ai de moi et d'eux n'est pas si juste. C'est une question de temps et ça prendra le temps que ça prendra, le temps que je ne vive plus sur des images, mais sur ce qui est. Mission impossible, hum ? Est-il même envisageable de se détacher de nos jugements, de nos impressions, on vit juste avec. C'est marrant, je rejoins Descartes, sans même l'avoir prémédité.

Je fais toujours (still) des erreurs, et j'en parle toujours après, quand j'y arrive. Et souvent, ça se règle, juste comme ça, et j'apprends. Ou parfois non. La par exemple, je télécharge la saison 1 de Grey's Anatomy alors que je rentre dans une phase intense de travail. Mauvaise idée, je n'ai pas appris de mes erreurs passées. MAIS j'écoute CocoRosie alors que je trouvais ça lame au départ. La preuve est donc faite que j'ai appris à déjuger ce que je pouvais penser de prime abord. J'apprends donc de mes erreurs passées.

Good Friday est ma préférée, je crois.

3.15.2008

Jean perd encore un peu plus en crédibilité.


Comment vous dire ? Laurence Parisot s'est créée un compte Facebook et j'ai passé la soirée devant une série faussement décadente, au mieux drôle, au pire facile. C'est l'histoire d'un fameux écrivain qui ne sait plus écrire. Il n'y arrive pas, alors il tient un blog pour dévider les états d'âmes que lui inspire l'humanité et il baise un peu partout. En fait, j'en ai retenu une seule vraie leçon : la langue anglaise est quand même infiniment plus adaptée aux insultes.





En réalité, je n'aime pas écrire sur un blog. Je pense en permanence à la façon dont on va percevoir ce que je dis. Ce qui, vous me le concèderez, n'est pas spécialement aidant en termes de fluidité littéraire. Autre problème : je n'arrive pas à me prendre au sérieux quand j'écris. Alors j'oscille entre une prose négligente qui se veut criante de réalité et un perpétuel retour cynique sur moi-même qui coupe court à toute réflexion sérieuse.


Parfois, j'ai l'impression d'aimer quelque chose et c'est juste l'idée de ce quelque chose qui me plaît. C'est super bateau comme idée vous savez, je l'ai repêchée dans la série. Le mec se fait remballer par son ex qui lui reproche de n'aimer que l'idée de l'amour et pas elle. Et j'avoue que le concept a beau faire un peu magazine féminin, il m'a fait réfléchir. Là, j'aurais bien rajouté un "je sais ce que vous pensez" alors que non, pas du tout mais ça fait un peu trop blasé péteux à mon goût.


Je vous assure, j'aimerais pondre des jolis petits billets virevoltant d'amour et d'enchantement mais ce blog, ça doit être ma part sombre. Celle qui continue de m'emmerder quoique je fasse, et qui le fera toujours. Une espèce de conscience, qui continuera de m'asticoter à jamais et dont j'ai intérêt à faire bon usage. Parce que soit elle me pourrira la vie à force de me tirailler, soit elle m'évitera le piège tendu par la routine consciencieuse de la vie.


Trop d'influences, trop de choix, de décisions, de tentations et de passions d'un jour. Je crois que ce problème d'écriture que je ne m'invente certainement pas est révélateur de certaines complications internes. Allez savoir.


(Ce blog va se transformer en essai sur la difficulté d'écrire, et donc de se trouver. Je trouverais un titre bien pour sûr. Que pensez-vous de : De l'acte d'écrire et ses répercussions sur la personnalité.)

1.13.2008

Sympathy for the Devil.


Ma détestation de moi-même culmine. J'ai l'impression d'être un exemple de lâcheté à montrer dans les écoles. Je regardais tout à l'heure ce reportage sur les jeunes qui à 15 ans, ont multiplié une poly-dépendance à 4 ou 5 drogues, ont perdu toute estime d'eux-mêmes et ne croient plus en leur potentiel. Oui, non, c'est exagéré mais enfin je leur ressemble quelque part. Ma façon de ne rien prendre en main, de me laisser aller. Encore bien loin de la liberté, on dirait.

J'ai presque voulu supprimer ce paragraphe en pensant que je pourrais être en train de travailler là, juste là, au lieu de perdre mon temps en appitoiement.

Je crois que c'est d'un docteur que j'ai besoin. Ou d'un psy, je sais pas. En tout cas, j'ai l'impression que je ne résoudrai jamais ce problème tout seul. Nan mais c'est pour vous dire, on atteint des sommets. Ca me fait mal de le reconnaître mais je ne fais même plus le minimum obligatoire. A croire que je le fais exprès. Je passe de plaisir en plaisir comme on passerait de cigarette en cigarette. J'en suis venu à me trouver bien de pas trop sécher à Sciences-Po, de lire des blogs politiques et de ne pas profiter du numéro de carte de mon frère enregistré sur l'ordinateur. Des actions somme toute bien naturelles propres à tout un chacun, c'est là que je mets ma fierté. Une lente chute de mes exigences envers moi-même, voilà ce à quoi se résument mes jours et mes nuits.

Et pourtant j'y crois.


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Pourquoi m'aimez-vous ? J'ai toujours pensé que pour être apprécié à long terme, il fallait progresser, devenir chaque jour un peu "plus" quelque chose. Les gens qui stagnent, on s'en lasse. Et pourtant, je ne suis pas encore seul. J'ai beau avoir beaucoup regardé The Truman Show, je ne peux pas me résoudre à croire que tout n'est que comédie. Est-ce que leur affection repose sur une vieille image qu'ils avaient de moi, une image toute cornée, floue mais à laquelle ils se raccrochent ? Je ne sais. Suis-je vraiment digne d'intérêt. Apporte-je (un jour, quelqu'un m'expliquera la règle des interrogatives à la première personne) vraiment un bénéfice concret aux quelques téméraires avec qui je passe du temps ?

J'ai trop ressassé ça dans ma tête, ça en devient de la bouillie. Je m'y perds un peu, dans cet embrouillis de fierté, de malaise, de joie et de sexe. Johanna se sent sale en partant de chez moi, moi je me sens sale en restant chez moi, voilà. Je ne trouve rien à dire, et ils me le font signaler, quand Emilio et Matthieu parle d'immigration. Parce que je n'y pense pas. Ca me passe au-dessus. Alors oui, je me prends de passion pour ça un jour, après un article qui m'a vraiment remué. Et puis ça se tasse. Et puis deux mois passent, et je n'ai plus rien. Des suites de petites passions comme des orgasmes masculins. Des petits jets veules, à peine entamés à peine achevés, comme la joie sale de voler un pauvre.

Mes idéaux sont intacts et pourtant, ils ne sont plus que prétextes à de beaux discours que je déballe aux gens que je viens de rencontrer. Ils ne m'entraînent plus. Ils sont bien là tous, comme une jolie collection soigneusement astiqués à intervalles réguliers. Il y a le bonheur, l'éternel bonheur, le bonheur de l'autre, de soi et la sensation de faire partie d'une humanité merveilleuse, le bonheur de l'illumination, de la lecture, du travail bien fait. Il y aussi l'amour, lui il ne bouge pas, fidèle au poste, l'amour de l'Autre mais de l'autre, celui qu'on tente de faire vivre du mieux qu'on peut sans jamais trop y arriver, celui qui tâtonne, à cheval entre l'amitié, le corps et l'admiration. Et puis il y a la transcendance, qu'on atteint à peine par moments, qui se défile, se dévoile et se referme, ce concept en forme de boîte de Pandore qui nous hante dès le moment où on en a entendu parler. Après dans l'ordre, vous trouvez l'épanouissement intellectuel, le respect, l'engagement politique, la responsabilité ou encore la foi.

Au juste, qu'est-ce que c'est que ces concepts que je manie comme des références savantes, sans en pénétrer le sens, jamais vraiment ? Je n'ai jamais été d'accord avec ceux qui voient en eux des mythes et je maintiens, je pencherais davantage pour des réalités accessibles à ceux qui savent s'en donner les moyens. On n'a pas Normale comme ça, il en va de même pour l'amour, le bonheur etc. Je suis sûr de mon coup, on se donne, on obtient. C'est sur cette logique évangélique que je base tout. Trois piliers : sincérité de l'engagement, respect de soi et volonté inébranlable. Appliquez à tous les concepts susnommés (ouh que c'est bon la pédanterie), secouez bien et vous obtiendrez un résultat sinon impeccable, mérité.

Toutes ces considérations ne résolvent en rien mon problème mais elles me donnent l'agréable illusion de progresser, avantage non négligeable.


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Comptez les "je" dans le texte.

1.10.2008

Le Journal d'un fou et autres nouvelles.


Je traînais sur le net, un term paper vaguement en souffrance, une nuit foutue et je suis tombé sur mon blog, que j'ai relu bien sûr. Puis de fil en aiguille, celui de T. puis celui de B. Son ancien, celui avec un fond rose. Plus ou moins consciemment, je cherche ce qui parle de moi. Enfin du moi de l'époque. Je tombe sur la rubrique Koala et Koalo. 4 articles seulement, que j'ai lu en partant de la fin. Au quatrième, j'ai laissé échappé une larme. Elle attend toujours, sur un coin de l'oeil, elle ne coulera pas, je pense. Ce serait déjà trop.


Ma vie n'est pas vraiment une histoire de larmes pourtant. Je n'ai jamais vraiment pleuré, vous savez. Quelques-une par-ci, par-là. Celle qui s'est échappée devant Casablanca, le moment où tout le monde chante La Marseillaise. Fibre patriotique ? L'autre fois, quand J. me fuit d'un seul coup, triste comme peut l'être une femme bafouée. Je claque la porte d'abord, furieux et m'enfouis sous mes couvertures et je les sens monter, ces pleurs amers. Alors je la suis en courant. En chaussettes. Je la retrouve 50m plus loin, en pleine rue Bonaparte, devant Cacharel, où était-ce MaxMara ? On ne sait pas quoi se dire, je devais avoir l'air faux sûrement, là, comme ça, dans le froid, à chuchoter des "mon amour". Puis je rentre chez moi et m'allume une cigarette.


Vous le voyez, je n'ai pas l'air d'un grand sentimental. Et pourtant, ça vit là-dedans. J'veux dire, je vibre toujours, "vibrionne" même comme dirait l'autre (moi en fait).


Je relisais B., donc. Et je comprenais enfin ces mots obscurs. Lipp, Deux Magots. Oui alors je me doutais bien, je vais pas vous jouer la comédie du provincial. Mais maintenant j'associais une image fringante dans mon imaginaire. Le Lipp, avec la chope de bière et les Deux Magots, juste en face de l'Eglise de Saint Germain des Près. Encore un bel exemple de ce monde que je commence à connaître un peu et auquel je pense souvent. Forcément quand vous habitez dans le 6ème, vous vous demandez un jour si vous serez comme ça, vous aussi, si vous ne l'êtes pas déjà.


J. m'a fait rire tout à l'heure, c'était les soldes et elle moquait gentiment tous ces gens heureux de sortir faire les magasins, heureux de consommer à moindre coût. La foule des grands jours rue de Rennes, les grands sacs à la main, l'air heureux. Même derrière le masque de détachement sûr de soi habituel, on pouvait le voir, ce bonheur simple. Alors ce serait ça ? Faut-il se moquer ou se réjouir des sentiments de ces gens ? Sont-ils simplets ou juste authentiques ? Pour la première fois mardi, un vêtement de marque m'a donné la furieuse envie d'être riche. Le début de la fin ?


Il est 7h, le réveil de la voisine sonne, strident.